Le festival Jazzdor Strasbourg-Budapest s'ouvre sur la première d'un album irrésistiblement intime et poétique. Vincent Courtois a convié deux étoiles montantes pour fonder le trio Twigs : la chanteuse néerlandaise Sanne Rambags est l'un des grands espoirs du jazz international, tandis que le batteur suisse Julian Sartorius est l'un des interprètes les plus sollicités d'Europe ces dernières années. Leur album, enregistré l'été dernier au BMC, développe un jazz chambriste centré sur le chant, dans un style indéfinissable qui fait autant écho au jazz traditionnel qu’à la musique contemporaine ou au folklore chamanique. De chuchotements en sons rauques, Rambags captive toujours par son immédiateté, tandis que Courtois et Sartorius viennent appuyer ou contredire ses mots.

Le violoniste Clément Janinet a fondé le quartet O.U.R.S. (Ornette Under the Repetitive Skies) en 2017. Leur troisième album sorti sur le label BMC Records en septembre 2022 rassemble les textures sonores et rythmiques de la musique répétitive contemporaine américaine, le lyrisme du free jazz d'Ornette Coleman et une ambiance parfois rock. Accompagné de trois complices tout aussi remarquables et inventifs, Clément Janinet crée des flux sonores abstraits et planants, et réussit la prouesse de faire se rencontrer transe africaine et chants liturgiques.

Chanteuse, percussionniste, poétesse mais aussi danseuse, Ann O’Aro a fait du mouvement qui relie les rythmes des corps à ceux de la langue créole dans laquelle elle s’exprime, l’axe majeur de sa poétique. D’une écriture à fleur de peau, elle cisèle des textes autobiographiques, crus, violents, engagés, qu’elle interprète d’une voix forte et passionnée, sondant ces zones hyper-contemporaines où l’intime et le politique se conjuguent. A la tête de son trio, réunissant autour de sa voix et de ses tambours, le tromboniste Teddy Doris et le percussionniste Bino Hoarau, Ann O’Aro revisite les rythmes traditionnels du maloya réunionnais et du sega mauricien aux sonorités et pulsations du jazz, du zouk ou de la musique des Balkans, propulsant dans notre modernité la parole forte d’une femme debout.  

L’album du guitariste Gábor Gadó et de la chanteuse Veronika Harcsa bouleverse nos idées reçues sur la musique. Dans un dialogue entre musiciens classiques contemporains et musiciens de jazz, avec, côté classique, le violoncelliste Tamás Zétényi et la violoniste Éva Csermák et côté jazz, le trompettiste Laurent Blondiau et le saxophoniste János Ávéd, la composition et l'improvisation se déploient sans section rythmique. La voix de Veronika Harcsa, qui signe les textes, donne toute leur profondeur aux chants, et réunit musique ancienne et contemporaine en un tout organique.

Les esprits visionnaires de la scène jazz allemande et française se réunissent une fois de plus sous la direction artistique de Hans Lüdemann. Les membres de l'ensemble TransEuropeExpress puisent leur énergie créatrice dans l'interaction et la fusion de leurs différentes langues pour composer des images colorées et multicouches du jazz européen. Pour leur cycle en quatre parties "On The Edges" sur BMC Records, l'octuor explore les frontières du Vieux Continent pour faire naître énergie et tension à partir d'éléments musicaux et de contextes culturels contrastés, comme en témoigne leur récent album avec le musicien, compositeur et chanteur marocain Majid Bekkas.
Pour cette première au festival Jazzdor Strasbourg-Budapest, Lüdemann a invité l'accordéoniste italien Luciano Biondini pour écrire le prochain chapitre de "On The Edges". Ils se produiront d'abord en duo pour initier un dialogue musical aux rebondissements inventifs et intrigants. Ensuite, avec l'ensemble TransEurope Express, les musiciens sortiront délibérément de leur zone de confort pour s'ouvrir à de nouvelles possibilités artistiques. Ces rencontres ont pour vocation de fondre les multiples projets en un "Gesamtkunstwerk" musical unifié - une œuvre d'art totale.

Electron libre de la musique, c’est auprès du public français que la chanteuse et musicienne suédoise, Isabel Sörling, a trouvé sa voix. Après un premier album folk et pop produit par Ibrahim Maalouf, Something Came With The Sun, l’artiste multiplie les collaborations avec d’autres artistes de la planète jazz (Ibrahim Maalouf, Cabaret Contemporain, Paul Lay, Airelle Besson…) ou des musiques plus expérimentales. Elle ne renonce pas pour autant à son goût pour l’indie-folk et la musique d’avant-garde. Son album MARELD mêle ses envies et ses multiples influences, un opus de pop tribale et synthétique, salué unanimement par la presse et récompensé par les Victoires de Jazz dans la catégorie "Artiste vocal" en 2021.
Dans son format solo, on l’entend dans sa dimension la plus épurée, acoustique, brute, dans ses chansons folk réarrangées pour piano, guitare et voix. Une artiste, qui navigue librement entre l’improvisation le folk et l’avant-garde, mêlant vulnérabilité et maîtrise.

Citant Stan Getz comme principale influence saxophoniste, Sylvain Rifflet puise volontiers dans le champ des musiques répétitives et minimalistes américaines pour développer une écriture mêlant improvisation, répétition, rupture, bruitisme et même parfois transe. Après le succès de Mechanics, puis son hommage à Stan Getz (Re Focus, 2017), son ode hypnotique à la musique des anciens poètes de l'amour (Troubadours, 2019) et son projet autour des discours de révolte (Rebellion(s), 2021), Sylvain Rifflet revient avec une œuvre plus personnelle : Aux Anges. Cet album, que l'artiste considère comme son plus abouti, est dédié à ses proches, ses "anges", et aux personnalités qui l'ont influencé et nourri. On y trouve des références aux compositeurs américains Steve Reich, Terry Riley, Philip Glass, mais aussi Moondog, à la chanteuse, compositrice et activiste Abbey Lincoln, aux saxophonistes Stan Getz et Jon Irabagon, au cinéaste Claude Sautet, ou encore au romancier James Baldwin.